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plataxis, le il y a 1 année et 10 mois.
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Bonjour,
Avez-vous, comme moi, le sentiment d’une forme de cycle dans votre rapport au poker ?
Je dirais que ça part d’une (re)découverte du jeu, très focus et discipliné, peu de tables, peu de temps, assez tight et raisonnablement agressif, et puis la confiance (re)venant ça dérive vers un volume de jeu énorme sur plein de table avec un jeu presque dégène au point qu’une mauvaise série remet tout en question et arrête le jeu ou le ramène à la situation initiale.
Le même cycle est possible à différents niveaux sur une session, une semaine, une année… Une forme de tilt fractal en somme.
Le « mental » est trop souvent assimilé à quelque chose de « rationnel » alors que j’ai le sentiment que le poker met en jeu des compétences essentiellement émotionnelles. Il me semble que si j’avais progressé émotionnellement ne serait-ce que le tiers de ce que j’ai appris sur le plan technique, je serai non seulement plus rentable, mais surtout plus fier.
J’ai surtout lu le conseil de la méditation sur ce sujet : c’est super que ça aie aidé certain-e-s, pour moi c’est décevant, voire contre-productif. Avez-vous eu le sentiment un jour de franchir un cap en terme de stabilité émotionnelle ? J’ai l’impression que si un autre joueur même peu compétent était à côté de moi pour valider ou critiquer mes choix, je serai énormément plus performant. Peut-être un ami imaginaire…
Merci pour ta réponse. J’ai peur de n’être pas encore au point pour m’inventer cet ami imaginaire : j’en ai encore mis partout lors de ma dernière session. Ca semble être assez profond en fait, comme une forme d’auto destruction de mon poker. Je démarre avec un objectif de super winrate et je me retrouve à un niveau moyen malgré une expérience conséquente. Je voudrais pouvoir un jour dire que j’ai pris toutes mes décisions rationnellement, mais c’est loin d’être le cas.
Le winrate c’est quand même ce qui défini la valeur d’un joueur. D’un autre côté il faut tellement de mains pour qu’il ait une forme de validité que ça relativise… Augmenter les tables est pour moi le moyen d’être plus tight en théorie : jouer plus de tables est censé m’obliger à limiter mes implications dans des coûts ayant une EV marginale ou nulle, sinon négative. D’un autre côté le vieux démon de la loositude reprend vite le dessus : c’est tellement gratifiant de gagner pleins de petits coups et d’avoir une redline de dégène… Et c’est là que ça fait vite prendre des décisions contestables voire mauvaises à très mauvaises.
En fait je crois qu’il me faut accepter que même s’il me faut une fraction de seconde pour savoir quel est plus ou moins le meilleurs coup à jouer (pas au sens d’un solver, mais d’un reg exploitant connaissant bien sa limite), il me faut beaucoup plus de temps pour être capable de le jouer s’il ne va pas dans le sens de prendre l’argent qui est au milieu. C’est très « rapide » de voir que fold est meilleur d’un point de vue théorique, mais il faut que je me donne du temps pour l’accepter d’un point de vue émotionnel. Je crois que la confiance que j’arrive à développer dans mon A game m’amène à négliger ma tendance générale qui est quand même de donner beaucoup de temps à chaque décision de la vie courante. La fuite en avant du volume est censée relativiser le poids de chaque bad beat ou bluff catché, mais finalement s’il y en a un peu plus que d’habitude sur un laps de temps court ça me crush totalement.
Il y a une leçon à intégrer pour moi : la violence symbolique d’une mauvaise série doit non pas se diluer dans la masse des mains jouées mais dans le temps réel d’une journée, semaine, mois… Passer par un préparateur mental ou toute autre aide est assez difficile à accepter pour des raisons personnelles en partie irrationnelles. Mais je cherche effectivement le ressort qui me fera rebondir lorsque l’émotion est trop forte. En plus c’est « facile » d’un pointe de vue extérieur, d’où l’idée de l’ami imaginaire ou réel : quand je commence à m’exclamer pour une carte qui sort ou une main que j’avais pas vue venir chez un adversaire, c’est clairement que ça déraille. Il faut que je me construise un auto-bannissement des tables sur ce type de symptôme, d’autant que ça rend le jeu moins plaisant et que c’est quand même le but pour moi de prendre plaisir. Il me faut effectivement une routine personnelle à mettre en place pour prendre l’air au moindre son de dépit.
Mais ça suppose aussi une forme de deuil, au moins momentané : celui du reg capable d’encaisser des volumes impressionnants sans dévier. J’imagine que ça pourra venir un jour progressivement mais ça fait déjà tellement longtemps que je cherche ce graal… D’un autre côté, si je n’avais pas d’émotions au table, y prendrais-je autant de plaisir ? Si je faisais ça comme si c’était un job alimentaire abrutissant et (très) mal payé, est-ce que ça mériterait de rester assis devant des écrans ? Il y a une forme de tension entre émotion / plaisir-déplaisir et rationalité / efficacité-vacuité d’un bête jeu de carte informatisé.
Est-ce que vous vivez ou avez vécu quelque chose de similaire ?
Peut être qu’il faut accepter parfois de faire moins pour gagner finalement plus.
Oui avec toutefois le sentiment que battre la variance est un combat : l’exemple des spins est très parlant puisque la variance est énorme, et qu’effectivement le profile de l’adversaire est bien plus finement analysable sur une ou peu de tables, + autres aspects techniques liés à la profondeur. J’ai aimé et détesté le spin justement pour ça, l’EV est énorme si on prend le temps, mais le volume réalisé dans ces conditions rend la variance horrible par moment. Et même quand les sommes sont dérisoires, c’est toujours difficile de détacher l’égo du résultat. Alors si je n’y parvient pas en micro, ça devient tendu au dessus, même en considérant une bankroll très fournie qui peut assumer des gros swings. Mais il y a effectivement une forme de sagesse à accepter de perdre « avec panache » lorsque la décision était bonne et que c’est simplement un setup de plus dans le mauvais sens. Ca semble surtout injuste en spin lorsque ça arrive sur les « gros » multiplicateurs, sans parler des jackpots exceptionnels. Et pareil en cash quand la profondeur fait plusieurs fois les tapis usuels de 100 BB.
Absolument, la question est comment trouver du plaisir mais avec en tête la hantise de la frustration des « mauvaises séries ». Hier je perds 4 caves en 443 mains sans avoir fait d’erreur manifeste ou de tilt : c’est juste pas le jour. Je me souviens d’une session NL20-30 où j’ai enchainé presque en ligne droite 500 euros de perte après avoir marché sur les tables pendant près d’un mois. Là non plus, pas de craquage, sans doute pas un jeu parfait mais surtout un enchaînement désagréable de cartes malvenues.
C’est là qu’une fuite en avant est tentante, et en même temps bien souvent contre-productive. J’ai largement passé le cap du « result oriented » sur un ou deux coups, voire une ou deux session, mais quand ça dure, c’est dur ! Et c’est compliqué de rester serain sur les bluffs qui sont bons, ou les calls qui sont OK, quand la majorité n’ont pas le résultat espéré.
Le pire est que même les « bonnes » décisions prennent alors un goût amer : hier j’ai payé un check raise à tapis turn de mon adversaire alors que j’avais TPTK + tirage nut flush à la turn par dépit, pensant qu’il avait forcément over paire ou mieux. Et bien même avec ses valets, j’avais la côte en fait ! Donc ma décision était bonne, c’était un setup dans lequel je gagnais de l’EV, et pourtant ça garde un goût amer (une cave de plus !) parce que je ne sais pas au moment de ma décision si c’est bon, et que ça ajoute une frustration de plus à une session qui me « résiste » en terme de résultat.
J’ai du mal à « ressentir » le plaisir d’avoir pris cette bonne décision quand elle se passe mal. Je me demande si le commentaire entendu parfois dans les « dans la tête d’un pro » ou autre de « je suis content de bluff/de mon call » alors qu’ils viennent de perdre un coup énorme est sincère : peut-on rester « content » sur un simple constat rationnel ? Surtout quand ça s’appuie sur des ressenti qui n’ont pas grand chose de rationnel : la pression supposé du moment (dans un tournois), le « profil » de l’adversaire (qu’on ne connait jamais vraiment), les « tells » de sizing ou de timing (qui peuvent induce délibérément)… etc.
Bien sûr je peux rationnaliser avant et après en disant que tel bluff à tapis était justifié compte tenu de la line de mon adversaire, mais quand celui-ci montre les nuts, je dois bien admettre que je me suis fait own en beauté par un joueur que j’estimais peu compétent et qui jouait hors de position. Quand ça s’inscrit en plus dans une session où tout va de travers, ça me laisse penser qu’une décision qui n’est pas a priori mauvaise (bluff sur un signe de faiblesse sur le sizing et sans blocker sur les tirages manqués) devient catastrophique à assumer selon le contexte.
Wahou, merci pour ces images, ça en dit plus long que tout mes discours ! Bientôt 7 ans que je joue et j’ai toujours du mal à appréhender la violence de la variance. Tu laisses quand même un point dans l’ombre dans tes modélisations : celui qui est à 12 BB/100 plutôt qu’à 6 ne subit justement pas les mêmes horreurs : tout est plus lisse quand on est émotionnellement plus blindé, et c’est précisément ce que je cherche depuis tout ce temps. Mais comme tu le dis il me faut surtout apprendre à me « démerder à ne pas aggraver les choses »
, parce que sans ça c’est ni 12 ni 6 mais plutôt 2 ou 3 BB / 100 au final.
C’est sûr qu’un joueur « normal » monte quand il crush une limite. Moi je suis plutôt du genre à moove down (quand j’arrête pas) à chaque mauvaise période. C’est compliqué émotionnellement de perdre des grosses séries.
Ce site ne semble pas donner les stats winamax.
Question tilt c’est moins le fait que je déraille (un peu) que le fait que ça m’affecte (beaucoup) qui est critique.
Je te suis, tilter c’est mal. N’empêche que tes graphes donnent vraiment une bonne compréhension de ce que peut être un résultat gagnant mais néanmoins pénible.
J’espère que ça m’aidera à écouter cet ami imaginaire capable de faire ce qu’écrit zmarc « il te persuaderait de fold, même si tu te fais bluffer une fois sur 10. » Mes hero calls sont une vraie plaie dans ces périodes, je me level de ouf.
Je viens de la télécharger, ça s’annonce riche d’enseignements, merci pour le conseil de lecture !
Livre terminé, et effectivement la partie 2 a plus d’intérêt que la partie 1 (très datée). Ce qui me surprend le plus est l’extrême variabilité des résultats d’un joueur même ultra compétent : dans mon esprit, un winrate de 10 BB/100 correspond à 1 cave toute les 1000 mains. Comme si ça pouvait être une ligne droite ascendante ! En rationnalisant je comprend évidemment que ça varie, comme une sinusoïde autour d’une ligne droite. Mais en réalité, c’est carrément les montagnes russes ! Pokerdope montre que même avec 10BB/100 de winrate, un down de 20 caves reste possible avec 6% de probabilité sur 1000 mains, ce qui n’est pas rien, combien de bad beat avons nous prit alors que vilain avait moins de 6% d’EV…
Bref, si je sais pourquoi je préfère le cash game aux autres formats, moins de variance ne veut pas dire plus de variance, et j’aime bien la façon dont Newall prend la chose en écrivant en substance qu’il faut accepter que les gains comme les pertes d’un nombre conséquent de mains sont d’avantages liés à la variance qu’à la qualité du joueur, quel que soit l’edge du joueur en question : cela rend humble sur le résultat immédiat.
Je pêche au moins autant par crainte des périodes de drawdown que des périodes d’euphorie, les 2 ayant des répercutions encore trop fortes sur mon jeu et surtout sur le plaisir que j’y prend. Mon objectif 2022 est clairement moins un focus sur la technique ou la limite jouée que sur un apaisement des sensations ressenties du fait du résultat.
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